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Phénomène enfants de la rue comme facteur criminogène dans la ville de Lubumbashi en République Démocratique du Congo

Par KABWE ILUNGA Emmanuel • Bibliothèque : Bibliothèque PubliqueDroit • Mémoire • 2021-12-23 • 931 vue(s)

CONCLUSION Toute personne qui a l'occasion de séjourner à Lubumbashi ne manque pas de constater le phénomène des “enfants de la rue”, autrement appelés “Schegué” ou “Phaseurs” ou encore “enfants-sorciers”, qui occupent les carrefours de principales artères et d'autres places de la ville, et qui, soit, demandent de l’argent aux passants, quémandent en poursuivant des véhicules stationnés au feu rouge, soit proposent toute sorte d'articles - parfois volé - de première nécessité et de services, parfois en s'imposant au client qui n'a pas le choix que d'accepter l'offre ainsi faite. Le même constat est probablement fait dans d'autres villes Congolaises et même Africaines. De dizaines de milliers d'enfants vivant dans les rues de Lubumbashi souffrent d'un extrême dénuement et sont exposés à une violence quotidienne. Expulsés de chez eux, sans attention ni soutien familial, ils sont victimes de sévices sexuels, physiques et affectifs. N'ayant pas d'accès assuré à l'alimentation, au logement ou à d'autres besoins élémentaires, ils sont exploités par les adultes, notamment les forces de l'ordre, qui les utilisent pour des activités illégales au détriment de leur santé et de leur bien-être, en violation de leurs droits humains fondamentaux. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo ne remplit pas les obligations qui lui incombent de protéger ces enfants contre les exactions commises par ses propres forces militaires et policières et par des acteurs privés. Il est particulièrement inquiétant de constater que des enfants de la rue sont recrutés de façon délibérée et opportuniste pour participer à des manifestations politiques dans l'intention de provoquer des troubles de l'ordre public, événements qui ont déjà fait des dizaines de tués ou de blessés parmi eux. Nombreux sont les enfants de la rue qui vivent dans la crainte des forces publiques, celles-là mêmes qui sont chargées de les protéger. Les témoignages des enfants que nous avons interrogés ont révélé que les violences commises par les policiers, les soldats et les membres de la police militaire sont fréquentes et habituelles. Ces représentants de l'autorité abordent les enfants, souvent la nuit, et réclament leur argent ou de vêtements, les menaçants de leurs poings, de leurs bottes et de leurs bâtons. Outre ces violences physiques, les policiers et les soldats violent et agressent sexuellement les filles de la rue. Il se peut aussi que des soldats ou des policiers viennent trouver les filles et leurs offrent de petites sommes d'argent en échange de relations sexuelles. La police se sert des enfants de la rue pour espionner des personnes soupçonnées d'être des criminels, elle les utilise comme appâts lors des opérations policières et, dans certains cas, elle les recrute pour participer à des cambriolages dans les magasins et habitations. Les enfants nous ont déclaré n'avoir d'autres choix que celui d'obtempérer à ce que leur demandent les forces de l'ordre autrement ils risquent d'être à nouveau maltraités et harcelés. Les civils aussi exploitent les enfants de la rue. Ils les utilisent comme porteurs, vendeurs, nettoyeurs, ou ils emploient chez eux ou dans des magasins, les payants souvent très peu pour des longs horaires de travail et des tâches physiquement éprouvantes. Certains enfants de la rue nous ont raconté qu'ils étaient utilisés par des adultes pour effectuer des travaux dangereux ou illégaux, tels que des activités dans les mines, la prostitution, ou encore la vente de drogues et d'alcool. Les plus jeunes que nous avons interrogés ont déclaré que certains des pires traitements qu'ils subissaient, étaient le fait d'autres garçons plus âgés et d'adultes vivant dans la rue. Le conflit, les déplacements internes, le chômage, la pauvreté, la maladie, les frais de scolarité prohibitifs et une myriade d'autres facteurs sont à la base de l'augmentation du nombre d'enfants vivant et travaillant dans les rues de la République Démocratique du Congo. Deux facteurs supplémentaires étroitement liés ont toutefois contribué à alimenter les rangs des enfants de la rue. Les garçons et les filles accusés de sorcellerie sont souvent victimes de sévices corporels et affectifs, tenus à l'écart des autres enfants, retirés de l'école et privés de tout contact physique avec d'autres membres de la famille. Au cours de nos entretiens, nous avons découvert que les enfants orphelins pris en charge par des membres de la famille étendue et les enfants dont la mère ou le père s'était remarié ou avait tiré sa révérence, étaient beaucoup plus susceptibles d'êtres accusés que ceux qui vivaient avec leurs parents biologiques. Certains enfants faisant l'objet d'accusations ont été chassés de chez eux ; d'autres se sont enfuis lorsque les violences qu'ils subissaient étaient devenus insupportables.


Autres Détails

Faculté de Droit, université de Lubumbashi


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